Un pas de plus

En ouvrant ce site récemment, après en avoir été absent pendant de nombreux mois, j’ai eu l’impression d’entrer dans un lieu qui était resté figé dans le passé, quelque part en 2023, occupé par un inconnu. Ce site était mort, tout comme celui que j’étais à l’époque. Il avait cette odeur de poussière d’un vieil album photo jauni. Il fallait faire table rase.
Sans entrer dans les détails, 2024 marque pour moi, dans un même souffle, une mort et une renaissance. J’ai pris dix ans en quelques mois, j’ai perdu en un instant ce que je prenais pour un fond solide, j’ai fait l’expérience, pour la deuxième fois dans ma vie, d’une chute vertigineuse dans un gouffre noir.
Aujourd’hui, je me tiens debout mais je me méfie du fond. Le monde commence à reprendre forme et il est temps pour moi de me remettre en mouvement, de retrouver le rythme qui m’in-forme, plus lent et plus juste. Ce n’est que maintenant que je reviens doucement à l’écriture et à la musique.
Cependant, je ne peux pas simplement reprendre ma guitare là où je l’avais laissée, tout comme avant, faire comme si de rien n’était, alors qu’en réalité, rien n’est plus pareil. Pendant des mois, j’ai laissé les morts enterrer leurs morts, et il s’agit pour moi à présent de m’ouvrir à l’autre, au présent, à ce qui s’ouvrira à moi à condition que je lâche ce qui n’est plus, ce qui m’enfer-me.
Je sens le besoin de revenir à une prise de notes, au sens large. Notes écrites, chantées, jouées. Parfois prise de pensées, d’autres fois prise de sons, quelquefois prise de vues. La volonté aussi d’une prise de distance par rapport aux liens factices que nous promettent les réseaux soi-disant sociaux - les raisons en sont multiples et je les garde pour un autre texte. Pour le moment, je noterai seulement que, dans la suite de ce double mouvement initié en 2024, je veux couper tout lien mortifère, brûler l’ivraie et tendre vers des lieux où la rencontre est possible. En chemin, rassembler mes notes et les partager ici, avec vous.
Je me rends compte en écrivant ces mots que nous sommes au début de la Semaine sainte, et même si je ne vais plus à l’église depuis bien longtemps, je reste sensible à un message qui est universel et qui me guide au quotidien. Le mot Pâques, de l’hébreu Pessah, signifie « un pas de plus », « un pas au-delà ». Finalement, c’est ce mot qui illustre le mieux ce que je traverse en ce moment, et la concomitance n’est peut-être pas si fortuite que ça. Je voudrais donc conclure en partageant ces quelques mots de Jean-Yves Leloup :
« Pour chaque sens comme pour chaque faculté, faire un pas de plus c’est demeurer dans l’Ouvert, c’est aller toujours plus loin, plus haut, plus profond.
Être arrêté c’est rester dans l’enfer (le contraire de l’Ouvert), enfermé en soi-même, c’est cesser d’être vivant, ouvert à l’autre, à l’inconnu, à l’imprévisible Infini, partout et toujours présent.
Un pas de plus vers l’autre, c’est un pas de plus vers soi, car c’est dans ce « mouvement vers » que je me découvre moi-même.
Un pas de plus vers soi, c’est un pas de plus vers l’autre, car je découvre un peu plus chaque jour l’inconnu que je suis, le tout autre que je suis. » (Métanoïa, pages 151-152)